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Une étude novatrice menée par Philippine Griveaud, doctorante à l’Observatoire de la Côte d’Azur (OCA) et ancienne étudiante du Master MAUCA de l'Université de la Côte d’Azur, offre de nouvelles perspectives sur les origines de notre Système Solaire. Publiée en août 2024, cette étude explore la formation et l'évolution des planètes géantes—Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune. Pour la première fois, l'équipe présente des simulations numériques retraçant l'intégralité de la dynamique de ces planètes, depuis leur formation dans un disque protoplanétaire jusqu'à leur configuration actuelle, via des phases de migration et d’instabilité.

Les planètes naissent dans de vastes disques de gaz et de poussière entourant les étoiles jeunes (appelés disques protoplanétaires). Lorsque plusieurs planètes se forment simultanément dans un même disque, leurs interactions gravitationnelles peuvent engendrer des dynamiques complexes, donnant ainsi lieu à divers scénarios pour la formation du Système Solaire. Jusqu'à récemment, ces disques protoplanétaires étaient considérés comme très visqueux. Cependant, de nouvelles observations suggèrent qu’ils pourraient être beaucoup moins visqueux qu'on ne le croyait auparavant, remettant potentiellement en question les modèles de formation du Système Solaire.

Dans leur étude, l'équipe de chercheurs présente des simulations hydrodynamiques de disques à faible viscosité, dans lesquels ils font interagir les quatre géantes. Contrairement aux cas à haute viscosité, ils trouvent que Jupiter et Saturne sont capturées en résonance 2:1, c’est-à-dire que pour chaque orbite de Saturne autour du Soleil, Jupiter en accomplit deux, au lieu d'être capturés dans la résonance 3:2. Ce résultat entraîne une configuration des planètes à la fin de la vie du disque de gaz qui est moins stable et moins compacte que dans les disques à haute viscosité.

Cette configuration affecte ensuite l’évolution des planètes géantes, s’intégrant dans le cadre du Modèle de Nice. Ce modèle, développé à l’OCA en 2005, puis actualisé en 2011, propose que les quatre planètes géantes du Système Solaire ont évolué d'une configuration compacte initiale vers leurs positions actuelles bien après la dissipation du disque de gaz protoplanétaire, via une instabilité globale où les planètes se croisent, se perturbent, s’éjectent. Ce grand chamboule-tout cosmique explique de nombreuses propriétés actuelles du système solaire.

En effectuant des simulations N-Corps après l'évolution des planètes dans le disque de gaz, l'équipe a également étudié si le modèle de Nice serait toujours valide malgré une configuration initiale différente. Leurs résultats montrent que même à partir d’un disque protoplanétaire peu visqueux, les planètes géantes peuvent subir une phase d’instabilité qui les amène sur leurs orbites actuelles, et que le Modèle de Nice reste donc pertinent.

Cette étude permet une réactualisation du Modèle de Nice et approfondit notre compréhension de la naissance des systèmes planétaires, non seulement pour notre propre Système Solaire mais aussi pour ceux autour d’autres étoiles. En effet, dans de nombreux cas, les simulations produisent des systèmes différents du système solaire…

Référence

Philippine Griveaud, Aurélien Crida, Antoine Petit, Elena Lega, Alessandro Morbidelli (2024), Astronomy & Astrophysics, 668, A202 « The Solar System could have formed in a low-viscosity disc : A dynamical study from giant planet migration to the Nice model ».